Kintsugi - Ou l'art de la guérison
- stephanie chirol
- 2 déc. 2024
- 7 min de lecture
Dernière mise à jour : 19 déc. 2024

Le Kintsugi est un art japonais fascinant : il consiste à réparer les porcelaines brisées en utilisant de la laque saupoudrée de poudre d’or, créant ainsi une nouvelle beauté à partir de la cassure. Ce geste de réparation sublime a immédiatement résonné en moi, comme une métaphore de ma propre expérience avec mes blessures et mes fêlures.
Au fil de ma vie, j'ai traversé des moments où mon âme s’est fissurée, cassée, effondrée (trauma, violence, décès, séparation...)
Je rejetais ces blessures, pensant que l’on ne pouvait avoir de valeur que si l’on était entière", "parfaite".
Mais, tout comme ces céramiques brisées, j’ai compris qu’il était possible de se réparer et de sublimer nos blessures.
Aujourd’hui, je voudrais partager ce que cette philosophie du Kintsugi raconte sur la guérison et la beauté des imperfections.
Les blessures invisibles
Dès mon plus jeune âge, j’étais consciente de ce que voulait dire "se sentir brisée". Être confrontée à la violence, à l'abus, aux jugements, au rejet, à la trahison, à la mort, vient entailler l'âme d'une manière qui semble irréversible. Je pouvais ressentir chacune de ces blessures. Des douleurs sourdes recouvertes d’une tristesse pesante qui venait entacher ma joie intérieure. Les blessures n'étaient pas le pire. Elles m'avaient transformée. J'avais développé des symptômes connexes (hypervigilance, excessivité, dépression, et autres) qui transformait mon rapport aux autres. Je me sur-adaptais et m'exposais, incapable de me protéger. Quand ces symptômes se manifestaient, ils provoquaient, en effet rebond, de nouvelles blessures, comme un cercle vicieux qui ne s'arrête jamais. J'avais conscience du mécanisme qui se jouait mais je n'arrivais pas à le maitriser.
Comme beaucoup, je pense, j'ai tenté de nier, de minimiser voire de justifier ses symptômes. Après tout, c'était moi et j'étais comme ça, mais en réalité, au fond de moi, je culpabilisais. Je me sentais déviante et je haïssais ça. Malgré tout, je ne voulais pas me laisser abattre, j'avais une grande force mentale, autant qu'elle serve. Je vivais ma vie comme un combat. Être consciente de moi, observer les autres, apprendre encore et encore sur ces mécanismes, les miens, les leurs, pour survivre et peut être sur ce chemin, trouver les réponses qui m'apaiseraient. C'est avec le temps que j'ai découvert que derrière mon "jeté en avant", se dissimulait une peur viscérale : celle d'être entraînée dans un gouffre dont je ne reviendrais pas. "Tenir et avancer" à la force de mon mental, je n'avais pas d'autres ressources. Parfois, ça marchait, ces blessures semblaient comme anesthésiées, loin, absentes. Mais il suffisait d’un mot, d’un geste, ou d’un nouveau coup dur pour qu'elles refassent surface, plus violentes encore, avec tout le poids des émotions refoulées.
En quête de guérison
C’est sur ce chemin que j’ai fait 3 rencontres significatives pour moi.
La première a été la psychologie. Elle m’a permis d’identifier les liens entre mes blessures et leurs origines, de mettre des mots sur ce que je ressentais et de légitimer cette part de moi qui avait ses raisons de souffrir. Comprendre et accepter les mécanismes psychologiques humains a été, et reste pour moi, l’une des plus grandes sources de libération.
Le mot à la mode pour cela, c’est « la montée en conscience ». En effet, quand on prend conscience d’une vérité sur soi ou d’une vérité quasi universelle, un espace s’ouvre dans notre esprit et devient un repère, une nouvelle grille de lecture du monde qui nous entoure. Mais, après ces phases de compréhension et de verbalisation qu’offre la psychologie, je n’avais toujours aucune piste pour me réparer et pour sortir du cercle vicieux des symptômes.
Parallèlement à cette rencontre avec la psychologie, certains évènements m’ont amené à m’ouvrir à la spiritualité. Dans mon cas, ce fut par le biais de l’église évangélique. J’avais 12 ans, aucune culture religieuse et je n’étais pas très intéressée par le sujet ; les guerres de religions de mes cours d’histoire, m’avaient légèrement vaccinée. Mais il a suffi d’un instant, un souffle et le voile se déchirait. Ma conscience venait de s’ouvrir. Un esprit, une source, quelque chose de plus grand que moi existait et je pouvais y puiser mes forces et mes repères. Le cadre religieux ne me correspondait pas mais ma démarche spirituelle m’appelait. Une communication venait de s’engager. Ressentis, ouvertures de conscience et compréhensions intuitives sur des sujets non préalablement abordés, s’offraient à moi jour après jour. Comprendre le vivant dans toutes ses formes, s’élever au-dessus des mécanismes humains pour voir plus large, plus profond et déceler la clé de tout : l’amour inconditionnel, pour moi et pour l’autre.
C’est grâce à ces deux premières rencontrent que mon chemin de guérison a pu s’enclencher. Etape après étape, les symptômes diminuaient, s’effaçaient et disparaissaient. Je m’évertuais à devenir la femme que je voulais être, devenir la meilleure version de moi-même et offrir à mes enfants la mère qu’ils méritaient.
Malgré toute cette route déjà parcourue, il restait des zones que je n’arrivais pas à atteindre. Ma paix intérieure restait relative et beaucoup trop cérébrale. Je m’épuisais. Il y a une donnée qui me manquait forcément.
C’est en m’évadant deux semaines en Thaïlande, que je mis le doigt dessus. Une vieille masseuse s’est acharnée sur le massage de mes jambes pendant 3 h. Je ne compris son but qu’à ma sortie du salon. Elle m’avait aidé à réintégrer mon corps physique, du moins c’était la sensation que j’avais. C’est à ce moment précis que je compris la notion de trinité de l’être humain, corps – âme-esprit. Mon esprit s’était ouvert, j’avais recréé le lien avec mon âme grâce à ma spiritualité, mais j’avais négligé mon corps dans toutes ses dimensions. La découverte du corps énergétique me donnait une nouvelle piste à explorer. Formations, lectures, conférences, je voulais comprendre. Mon pragmatisme ne me laissait pas m’envoler dans les hautes sphères du New-âge, heureusement. J’allais avancer comme je l’avais toujours fait, par l’expérience. Encore aujourd’hui, je n’ai aucune certitude, mais la rencontre de la méditation, les notions d’alignement de soi, les différents soins que j’ai pu recevoir, m’ont propulsée dans un état de mieux être que je ne pensais plus pouvoir atteindre.
La guérison est-elle totale ? Je ne pense pas qu’elle puisse l’être. Quelle que soit la qualité de la colle que nous mettons pour réparer nos blessures, il reste des cicatrices qui resteront à jamais des zones de fragilité. Ce processus de guérison est important et il ne faut pas le négliger, mais il faut également accepter notre parcours, nos fragilités et tenter d’en faire une force pour les sublimer.
L’art de sublimer
La question que je me suis posée en découvrant le Kintsugi, c’est « Comment sublimer mes propres cicatrices ? »
La réponse était dans le dictionnaire : Le Kintsugi célèbre la beauté de l’imperfection et du temps. Il raconte que l’harmonie réside dans le naturel et la spontanéité, et non dans l’absence de défauts.
Le secret réside donc, dans notre regard, notre vibration et nos décisions.
J’ai observé avec le temps que même les plus grands menteurs ne pouvaient manipuler leur vibration. On peut se convaincre d’aimer quelque chose et le verbaliser à répétition pour convaincre les autres, mais si ce n’est pas notre vérité profonde, nos micro-expressions et l’énergie que nous émettons, nous trahissent.
Ma première phase de sublimation a donc été d'accepter mon passé et d'accueillir mes cicatrices comme des témoins de ce qu'il a été. J'ai mis de la lumière sur mes mécanismes et mes vérités profondes, afin de réconcilier l'interprétation de mon enfant intérieur avec ma vision d'adulte. Devenir authentique commençait par moi-même. J'ai ensuite décidé d'axer mon regard sur les bénéfices secondaires que mes blessures m'ont apportées : ouverture d’esprit, humilité, empathie, conscience… plutôt que de les ressasser. J'ai accepté de mettre de la valeur sur chacune d’elles et de les remercier pour ce qu’elles m’avaient apportées. .
La deuxième phase quant à elle, a été de les assumer face aux autres. Pendant longtemps, une part de moi avait honte de révéler mes fragilités, honte de me sentir vulnérable et moins belle dans ce monde valorisant la force, la beauté et la perfection. Mais après cette phase d’acceptation et de valorisation de mes expériences, la honte avait disparu. Finalement, j’étais comme les autres, ni pire, ni meilleure, mais j''avais aussi le droit d'être fière d’avoir transcendé cette phase de vie et de l'assumer pleinement.
Cette prise de conscience a fortement impacté ma manière d'aborder mon rapport aux autres. Amorcer et construire des relations vraies, en étant honnête avec moi-même et avec les autres dans une relation authentique, m'a permis de rencontrer l'âme des gens en très peu de temps. L'authenticité appelant l'authenticité, nos échanges étaient axés sur l'essentiel et chacun en ressortait, nourrit et encouragé.
Pour moi, la dernière phase de sublimation consiste à rendre ces cicatrices utiles. Et c’est là, que réside, pour moi, l’art de la sublimation. Si mes cicatrices et mon parcours peuvent me permettre d'accompagner et d'aider un tant soit peu d'autres personnes sur leur propre chemin de guérison, alors la réussite sera totale.
Ne dit-on pas qu’ « Il y a plus de bonheur à donner qu'à recevoir. » Je ne comprenais pas totalement cette phrase, mais prise sous l’angle de la sublimation, je pense qu’elle pourrait s’expliquer par l'atteinte du bonheur grâce à la valorisation du don de soi en pleine conscience, dans un acte tourné vers l’autre.
Mon parcours a été jalonné de rencontres et de découvertes qui m'ont permis de guérir et de me réaligner. Aujourd'hui, je suis convaincue que chacun de nous porte en soi cette capacité de guérison et de transformation. En nous engageant sur ce chemin, nous contribuons à notre bonheur, à celui de ceux qui nous entourent et à contribuer à l'émergence de l'amour dans le monde.
Stéphanie
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